La nage des étoiles

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La lune s’est levée sur le lac cette nuit. Énorme et rousse émergeant des arbres comme une gemme céleste sortant d’une dentelle sombre.

La nage des étoiles

jeudi 1 octobre 2015

La lune s’est levée sur le lac cette nuit.
Énorme et rousse émergeant des arbres comme une gemme céleste sortant d’une dentelle sombre.
Je me suis glissé dans l’eau fraîche et noire pour rejoindre son sillage de cuivre animé par le vent. J’ai nagé lentement, dans un crawl étendu, dans cette rivière d’eau et de lumière, vers cette porte céleste comme si je marchais vers le pied d’un arc en ciel qui recule sans cesse. Pleinement conscient et attentif à chaque mouvement, en douceur, sans à-coup, cherchant la perfection du geste. Conscient de la caresse de l’eau sur mon corps, de la magnificence de la lumière, de la rotation des étoiles.

Je nage dans l’univers. À chaque bras étendu vers la lumière le temps d’un aller vers l’astre, à chaque retour poussant la nuit sous moi, mes muscles épousent l’eau qui glisse vers l’arrière. Deux aller-retours, une inspiration, cinq cent soixante kilomètres parcourus dans le vide interstellaire autour du centre de la voie lactée.

Puis les cris de jeunes cygnes dans la nuit me sont portés par le vent. Je me retourne lentement et me laisse flotter, les yeux perdus dans les étoiles, je vois mon corps étendu juste sous la surface, mouvement rougeoyant, lisse et vivant. Les battements lents et puissant du cœur ajoutent leur musique à celle de la vie nocturne, en cercles concentriques ténus à la surface du lac. La respiration est lente et profonde comme si le corps était endormi. À chaque inspiration, il émerge sans bruit comme une île, à chaque expiration, il replonge sous la surface. Je reviens et me retourne à nouveau, doucement.

Je rejoins la rive et sors pour reprendre contact avec le sol, un pied devant l’autre. J’émerge de l’eau et entre dans le vent, l’herbe est douce sous mes pieds, je suis revenu sur terre lavé de mes pensées inutiles, le cœur plein de lumière dorée, la tête toujours dans les étoiles, je suis ici et partout, plus loin que porte mon regard, plus loin que vole mon esprit.
Enfin, l’animal se réveille. J’ai faim, je suis heureux, je suis en vie.

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