La nouvelle route.
mardi 1 décembre 2015
J’ai cru choisir mon cap alors que mon bateau dérive dans un courant rapide. Le temps semble enfin dégagé. Une bonne brise règle mon allure portante aux trois quarts arrière. L’étrave sourit dans ses moustaches et le safran bouillonne de plaisir à la poupe. Le soleil joue sur la voilure tendue et frémissante comme sur le corps d’une nymphe aérienne.
Mes vieux amers ont disparu. Je file plus vite que prévu vers une destination encore inconnue. Si je tente d’abattre pour retrouver la ligne grise de la terre, je vois le ciel obscurci de mon passé, grain noir de folie chevauchant un rideau opaque de pluie blanchissant une mer inhospitalière. Image sans couleur, comme la douleur. Cet horizon menaçant garde derrière moi le souvenir de ma traversée chaotique, de mon visage cinglé par la pluie et le vent, de mes efforts douloureux pour garder les yeux ouverts, pour prendre des ris de mes doigts devenus insensibles et fragiles, pendant que les hululements des éléments se confondent avec les gémissement de mon bateau. Chaque crête secouant mes os, chaque creux soulevant mon estomac. Incapable d’avoir assez peur pour faire autre chose que régler la manœuvre immédiate.
Maintenant je file vers l’inconnu, pourtant je suis moi-même. J’ai jeté sur le pont mes vêtements gorgés d’eau grise et comme mon bateau, je me sèche au soleil et à la caresse impudique du vent. Plus de peur. J’accepte de suivre la route que l’univers me fait prendre. Le bonheur entre à chaque respiration, le plaisir à chaque nuée d’embruns qui caressent mon visage. Je peux enfin m’emplir les yeux de couleurs et écouter le chant de la mer. Et parce que j’accepte ce cadeau l’esprit enfin apaisé, un vol de fous de bassan vient m’émerveiller. Je suis moi, mon corps et mon bateau. L’univers et la vie sont mes amis. J’entends en moi le rire des dauphins, la faim des poissons, la griserie des oiseaux. Je suis enfin en amitié avec le monde, avec la vie, avec moi-même.
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