Souvenir lointain
24 février 2016
Les derniers rayons du soleil ont disparu depuis depuis longtemps.
Depuis longtemps je suis assis là.
Cette place au bord de la falaise qui surplombe la vallée est si amicale pour moi. Je suis bien ici. Assis dans mon esprit, le calme établi entre la terre et le ciel, et mon corps détendu peut rester droit sans fatiguer.
Les étoiles nagent au dessus, avec une lenteur pleine de grâce et une régularité pleine de maîtrise. Entre-elles s’étendent des liens immenses, semence de l’univers, parole des soleils, à peine plus lumineux que les pattes d’une proie, mais porteurs d’un sens si profond que je sais n’en percevoir que quelques notes d’une musique bien plus vaste que celle de la nature où je vis.
Sans bruit, derrière moi, l’ancien dont l’esprit ressemble au mien et me reconnaît avec chaleur, s’installe et s’accorde tout doucement sur ma vision pour la partager. Nous avions été les premiers à ressentir le poids énorme de l’invisible étoile de fer lorsqu’elle était passée près de notre soleil. Et maintenant, elle revient pour percuter le monde.
Il y a une saison, nous avons parlé aux rieurs de la mer bruyante et nous avons partagé cette menace. Ils savaient déjà. Ils avaient déjà ressenti la détresse du monde s’exprimer dans l’eau. Ils avaient décidé de continuer à jouer et à s’aimer dans les vagues, sans être inquiets pour une fin qu’aucun être ne pourra éviter.
En bas, le vent chaud souffle sur la plaine, la vie continue sa fête pour quelques jours encore. l’ancien me regarde avec affection et je ressent intérieurement tous les miens qui lèvent la tête vers les étoiles. Nous ne chasserons plus, le jeûne nous aidera à partir pour toujours… et changer.
Je ramène ma queue autour de mes pattes et profite de la sensation de la caresse de l’air dans mes moustaches, mes sourcils, mes oreilles et mon pelage. Je sors les griffes pour les sentir s’enfoncer dans l’herbe. Mon cœur bat et pousse la vie dans tout mon corps, la plaine s’illumine de ses propres étoiles de vie. Et je contemple en moi toutes les connaissances de si nombreuses générations partagées en vain. Je suis triste, un ronronnement accompagne chacune de mes expirations.
L’ancien me montre un esprit calme et apaisé, il vient s’assoir près de moi et passe gentiment sa langue derrière mon oreille. La conscience n’est jamais vaine même quand la vie s’arrête. Nous emporterons l’essence de ce savoir avec nous à travers l’espace et le temps, jusqu’à ce que nous nous retrouvions, vie après vie, toutes les consciences unies.
Mais aujourd’hui, nous sommes les derniers de notre race.
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